Photographies SS.
Extent and Medium
8 planches de contact, 679 photographies, 21 cartes postales, 3 négatifs.
Biographical History
Les photographies rassemblées dans ce corpus ont pour principale similitude d'avoir été développées, à défaut d'être réalisées, par le ou .
Dépendant de la Section politique ( ), l' était chargé de réaliser tous les travaux photographiques générés par le fonctionnement du camp : la prise de vue, le développement des films, leur tirage sur papier renseigné systématiquement par une légende, et le classement des négatifs. Chaque cliché donnait lieu au tirage de cinq exemplaires selon le format 13x18 cm qui étaient remis au responsable de la , le Karl Schulz, qui en adressait à son tour quatre exemplaires aux quartiers généraux SS de Berlin, Orianenburg, Vienne et Linz. Les sujets retenus par l' pouvaient être très divers : reportages en tout genre relatant la vie du camp, photographies des visites officielles, photographies d'identité du personnel SS, etc. Le rattachement du Service de l'identification à la Section politique induisait cependant la primauté de certaines missions comme la réalisation des portraits signalétiques des détenus à leur arrivée dans le camp, les constats photographiques des décès survenus ou encore les prises de vue des visites officielles de dignitaires.
Pour mener à bien sa tâche, l' , installé dans un premier temps dans le bâtiment dévolu à la puis dans une baraque hors du camp de détention, bénéficiait d'un appareillage performant et d'un personnel efficace recherché pour son aptitude à la technique de la photographie. Les prises de vue étaient réservées exclusivement au responsable du service qui était donc choisi en fonction de son savoir-faire en ce domaine. Trois sous-officiers SS se sont ainsi succédés à la direction de l' : le Friedrich Kornacz envoyé en 1941 sur le front de l'Est en raison de sa brutalité, le Hermann Peter Schinlauer, piètre photographe mais qui en tant qu'adjoint de Kornacz assura l'intérim de sa fonction en attendant l'arrivée, le 23 juin 1941, du Paul Ricken qui demeura quant à lui à la direction du Service de l'identification jusqu'à la libération du camp de Mauthausen. Outre le responsable du service et son adjoint, le reste du personnel se composait d'un chargé du secrétariat, de l'archivage et de l'envoi des tirages papier à la , et de détenus. En mai 1941, ces derniers étaient au nombre de cinq d'origine polonaise ou espagnole. Stefan Grabowski, le premier des détenus affecté à l' , était ainsi chargé des planches de contact. Antonio Garcia s'occupait, pour sa part, du développement des films et supervisait leur tirage papier et les agrandissements éventuels. Johann Gralinski aidait le à classer les négatifs. Miroslav Laskowka s'occupait des retouches, notamment des portraits des SS. Et, enfin, Ruiz veillait à la propreté des lieux. Cet effectif s'accrut à la fin de l'année 1942 par l'arrivée d'un nouveau détenu espagnol, Francisco Boix Campo, venu assister Paul Ricken dans son travail de prise de vue et aider aussi à légender les tirages et à classer les négatifs. Enfin, un autre Espagnol, José Cereceda acheva de compléter l'équipe de l' . L'augmentation du nombre de détenus à partir de l'année 1942 entraîna en effet une surcharge non négligeable de travail pour le Service de l'identification qui, sous la direction de Paul Ricken, se lança par ailleurs dans le développement et le tirage de photographies personnelles réalisées par des SS du camp. Le détenu Grabowski était spécifiquement chargé de ce travail officieux qui pouvait parfois comporter des clichés formellement interdits comme la prise de vue des atrocités commises dans le camp. De ce fait, on ne saurait affirmer que les photographies de ce corpus ont été prises dans le seul cadre du Service de l'identification, des particuliers ayant pu aussi réaliser quelques clichés. Par exemple, l'officier SS responsable du de la cuisine était particulièrement féru de photographie et confia à plusieurs reprises le développement de ses films à l' . En revanche, il est une certitude : les photographies attribuées aux SS du fonds de l'Amicale de Mauthausen ont toutes été développées et tirées par le Service de l'identification comme en attestent les conditions de la constitution de cette collection. Il est à noter à ce propos qu'une des vues de la carrière du Wiener Graben du fonds de l'Amicale de Mauthausen ( 88AJ/191, pièce 1) porte encore la marque du tampon des SS Archiv.
Archival History
L'itinéraire des photographies développées par le Service de l'identification du camp de concentration de Mauthausen depuis leur production jusqu'à leur divulgation hors du cercle restreint de l'administration SS, pour avoir été quelque peu éclairci dans de récentes études, reste encore extrêmement obscur en bien des points. Les témoignages des déportés sont souvent divergents, à défaut d'être complémentaires, tant sur la nature des photographies sauvées que sur les responsabilités partagées des différents protagonistes.
Or, sur cette question, il faut bien avouer que le corpus des photographies du fonds de l'Amicale de Mauthausen suscite plus d'interrogations qu'il n'apporte de réponses. La cohabitation de photographies de factures très diverses, mêlant des tirages à l'évidence anciens à des tirages beaucoup plus récents voire contemporains qui bien souvent ont été retouchés et recadrés, sème sans aucun doute le trouble dans les esprits, d'autant qu'aucun négatif original n'est conservé dans le fonds de l'Amicale de Mauthausen. Par ailleurs, la diversité des mentions dorsales constitue autant de pistes possibles d'investigations. Ces difficultés ne sauraient cependant faire oublier le courage et la conviction impérieuse de trois des détenus du Service de l'identification sans qui ce corpus exceptionnel de photographies, témoignage de l'horreur du système concentrationnaire nazi, n'aurait jamais été sauvegardé ni révélé.
L'histoire des photographies SS du fonds de l'Amicale de Mauthausen débute en effet au Service de l'identification du camp. D'après le témoignage d'Antonio Garcia, un des détenus polonais, Stefan Grabowski, aurait entrepris de réaliser clandestinement un sixième tirage de certaines photographies choisies vraisemblablement pour l'évidence de leur sujet. Cachée derrière une des poutres du plafond puis dans un tiroir, cette première collection suivit le Service de l'identification dans ses pérégrinations lors de son déménagement du bâtiment de la . Cependant, à la suite de la réorganisation du service par le Paul Ricken, ce fut dorénavant à Antonio Garcia qu'incomba la dangereuse tâche de réaliser un sixième tirage. Trois détenus étaient alors au courant de cette enfreinte : Stefan Grabowski qui se suicida en novembre 1944, Antonio Garcia qui réalisait le sixième tirage, et Francisco Boix Campo, arrivé au Service de l'identification à la fin de l'année 1942 à la demande du précédent, avec la complicité duquel les photographies illicites étaient cachées dans le meuble servant à ranger les négatifs. En février 1945, alors qu'Antonio Garcia fut contraint de se rendre à l'infirmerie où il demeura jusqu'à la fin du mois de mars, la collection des photographies volées s'élevait, selon le témoignage de Garcia, à environ deux cents tirages. Deux cents tirages qu'il ne retrouva pas à son retour au Service de l'identification. Francisco Boix Campo, à l'instigation de l'organisation clandestine espagnole du camp, s'était en effet arrangé pour les faire sortir du Service de l'identification et les cacher en plusieurs endroits du camp. Sur ce point, les témoignages restent très divers tant sur les lieux de conservation des photographies que sur les responsabilités de chacun. Il n'en reste pas moins que l'organisation clandestine espagnole, et notamment ses dirigeants communistes, jouèrent un rôle fondamental dans la préservation de cet ensemble unique. Outre les quelques deux cents tirages dupliqués par Antonio Garcia, la collection s'accrut au début du mois de mai 1945 non seulement de tirages mais aussi de négatifs. A la suite de la mort d'Hitler, le de Mauthausen, Franz Ziereis, ordonna à Paul Ricken de procéder à la destruction des négatifs. L'opération dura, selon le témoignage d'Antonio Garcia, trois jours durant lesquels il fut possible aux deux détenus espagnols de subtiliser de nouvelles épreuves et des négatifs. Quarante tirages en 24x36 mm auraient ainsi été dérobés par Garcia. Afin d'assurer la sauvegarde de cette collection, l'organisation clandestine espagnole prit la décision de les sortir du camp de concentration par l'entremise du Poschacher constitué de jeunes Espagnols travaillant dans le village de Mauthausen. Deux jeunes communistes catalans appartenant à la Jeunesse socialiste unifiée, Jacinto Cortés et Jesús Grau, chargés d'apporter le repas du Poschacher depuis le camp de détention jusqu'au village, furent ainsi désignés pour transporter les précieuses photographies. Cachées dans un faux fond, elles furent confiées à une Autrichienne, Anna Pointner dont la maison avoisinait le lieu de restauration des détenus et qui, au péril de sa vie et de celle de toute sa famille, les conserva dans une fissure du mur situé derrière sa maison jusqu'à la libération du camp, en mai 1945. Le destin de ces photographies devient par la suite beaucoup plus nébuleux et lacunaire.
Il semble que Francisco Boix Campo ait récupéré l'ensemble des photographies à l'issue de la guerre et les ait rapportées en France. Dès l'été 1945, les premiers clichés furent dévoilés par l'entremise de la presse. L'hebdomadaire parisien communiste dont le déporté Paul Tillard était un collaborateur publia ainsi, dans son numéro du 1er juillet, vingt et une photographies sous le titre accrocheur : . Parmi celles-ci, Antonio Garcia reconnut plusieurs photographies dérobées au Service de l'identification, dont celle figurant en couverture. Le 1er août 1945, le quotidien de tendance communiste imprima à son tour un numéro spécial totalement consacré aux photographies de Mauthausen. Puis, le 31 octobre 1945 fut achevé d'imprimer aux Editions sociales l'ouvrage de Paul Tillard sous le titre dans lequel quarante-six photographies de la période d'activité du camp de Mauthausen, de la libération et du camp annexe d'Ebensee furent rassemblées. Cette divulgation des photographies du camp de concentration de Mauthausen dans des publications communistes laisserait à penser que ces dernières n'ont pas été dispersées. Pourtant, dès le mois de juillet 1945, il semble que le corpus ait été éclaté. Antonio Garcia assure ainsi en avoir récupéré une quarantaine au moment de la parution du numéro de et Franscico Boix Campo en aurait vendu à des agences de presses tchèques et américaines selon le témoignage de Mariano Constante. Ilsen About cite même dans sa maîtrise d'histoire consacrée aux photographies du camp de concentration de Mauthausen le cas d'un album non broché composé uniquement de photographies publié à Prague en 1945 ou 1946 sous le titre . En 1946 enfin, six photographies du camp de Mauthausen furent produites les 28 et 29 janvier lors de la déposition de Francisco Boix Campo devant le tribunal militaire international de Nuremberg (elles ont été enregistrées sous le numéro RF-332). La trace de ces photographies se perd ensuite.
Scope and Content
Il est à noter que pour ces deux ensembles de photographies le format le plus répandu est celui adopté par l' t du camp de concentration de Mauthausen. On ne saurait cependant affirmer qu'il s'agit là des photographies subtilisées par les détenus. La collection du pragois Drahomír Bárta, déporté à Ebensee, est à l'évidence composée de tirages récents réalisés à la demande de l'Amicale de Mauthausen pour documenter son fonds. Une lettre conservée dans le fonds de l'Amicale en date du 17 février 1992 adressée par Drahomír Bárta à Paul Le Caër, alors chargé de la collection de photographies de l'Amicale, annonce ainsi l'envoi de soixante-seize photographies réalisées par son père les 22 et 23 mai 1945 sur la libération du camp annexe d'Ebensee. Elles sont exactement de même facture que celles de notre corpus. Par ailleurs, une étude attentive des clichés portant le tampon de Drahomír Bárta permet de penser qu'il s'agit principalement de contretypes et non de tirages réalisés à partir de négatifs originaux. Le corpus légendé en espagnol reste, quant à lui, bien énigmatique et nécessiterait une analyse chimique du papier afin d'en dater le tirage. La confrontation des photographies de l'Amicale avec les négatifs originaux détenus par Mariano Constante serait aussi vraisemblablement riche d'enseignements, de même que l'interrogation des différents acteurs espagnols.
L'étude du fonds de l'Amicale ne permet pas de définir d'autres ensembles homogènes outre les deux décrits précédemment. En revanche, certains éléments permettent de corroborer différents épisodes de l'histoire de la conservation des photographies de Mauthausen. Les tampons d'agence de presse comme l'agence L.A.P.I. (88AJ/171, pièce 1) ou d'imprimerie comme l'Imprimerie Petit et Rousseau (88AJ/274, pièce 1) évoquent ainsi les différents modes de diffusion des photographies et leur éparpillement.
Enfin, il est important de souligner le remarquable travail de documentation mené par plusieurs membres de l'Amicale de Mauthausen comme France Boudault et Paul Le Caër qui, aidés de Mariano Constante et de Luis Garcia, se sont appliqués à légender chaque photographie. De ce travail de documentation, découle aussi la reproduction de nombreux clichés provenant de collections privées (comme la célèbre photographie du château d'Hartheim cotée 88AJ/128 donnée à l'Amicale par la veuve d'un déporté), d'institutions publiques (Archiv des Museum Mauthausen reconnaissable par ses cotes en AMM, et le Service international de recherches d'Arolsen) ou mêmes de publications. Cette agrégation de reproductions peut certes être déplorée dans la mesure où l'origine des photographies demeure le plus souvent inconnue. De ce fait, il devient très difficile de distinguer les différentes générations de tirages et d'identifier les corpus qui constituent cette collection. Malgré cela, les photographies SS du fonds de l'Amicale de Mauthausen restent uniques et précieuses pour appréhender l'histoire du camp et la souffrance de ses détenus.
La complexité de cette collection et surtout l'absence de certitude quant aux conditions de production de chacune des photographies, nous ont incité à adopter la plus grande prudence pour leur description physique. Ainsi, ont été désignées comme les photographies obtenues par la copie d'une épreuve photographique qui a été à cet effet photographiée une nouvelle fois. Les preuves du contretypage sont parfois tout à fait ostensibles dans le fonds de l'Amicale de Mauthausen et ne nécessitent donc pas une étude particulière du cliché obtenu (comme la présence ou non d'altérations qui sont soit réelles soit reproduites par contretypage). Par défaut, toutes les photographies qui n'ont pas été identifiées comme des contretypes ont été décrites sous le terme générique d' . Enfin, lorsque pour un même sujet, il existait plusieurs cadrages plus ou moins réducteurs par rapport à une image contenue dans le corpus, le terme de a été adopté.
System of Arrangement
Le classement retenu pour la collection des photographies SS est un classement thématique.